On se cherche,
on s’égare et pourtant, tout tourne autour d’une presque sainte-trinité; la
tête, le corps et le cœur. On jongle avec les trois, on tente de trouver un
équilibre, on le perd souvent. On a l’impression de marcher sur un fil. Ce
n’est pas un chemin facile, on passe à travers les épreuves, on s’écorche le
cœur, on en perd la tête, chaque parcelle de notre corps nous fait mal.
Pourtant, on continue, on s’accroche, on
refuse de lâcher prise, on se bat et on perd parfois, mais dans chacune de nos
défaites, il y a une petite victoire, une petite gloire qui se fait désirer,
dans nos moments les plus sombres quand bien du temps est passé et que tant de
larmes ont coulé, on finit par comprendre et le cœur se fait plus léger, le corps
reprend un rythme normal, la tête soulagée jusqu’aux prochains remous. On passe
notre temps à tenter les balancer, ne pas investir l’un plus que l’autre, mais
on ne réussit pas à tous les coups. On encaisse les coups et vient le moment où
on prend parti, on décide de faire taire certains au profit d’un seul.
Pourtant, on ne peut en considérer qu’un, on se fait vite rattraper par les
deux laissés derrière. On passe notre vie entière à tenter de donner un sens à
tout ça. On fait des erreurs de parcours, on se tricote un manteau de regrets,
de remords, on tente de les distinguer. On ressasse les moments passés, les
actes manqués, les mots jamais prononcés, les gestes jamais posés. Est-ce que
ça aurait vraiment changé les choses, le cours de l’histoire? Qu’est-ce qui se
passe vraiment quand on fractionne, qu’on compartimente?
La tête résonne
et nous raisonne. Elle nous remet en question, nous force à nous arrêter, mais
si on n’écoute qu’elle, on passe parfois à côté des choses. On n’est que
spectateur de la vie, on endolorie l’impulsivité, on oublie de vivre simplement.
Garder la tête froide, refroidir ses ardeurs, on y perd parfois notre chaleur,
notre candeur. Elle nous oblige à se regarder en face, on ne peut faire
semblant avec elle, elle tient nos comptes, elle fait des listes. Elle omet,
elle pardonne, mais elle n’oublie pas. Elle nous ramène à l’ordre. Elle nous
rationnalise, mais elle nous rationne aussi. À n’écouter qu’elle, on tombe en
carence. Elle ne peut être la Reine suprême.
Le corps régit
nos instincts, enfant sauvage, il ne se fit qu’à son intuition. Pas de
faux-fuyants avec lui, il ne joue pas de double jeu. Il invite le désir,
l’envie, mais aussi la souffrance. Il transcende en sensations, il crée la
chair de poule, la chaleur au creux des reins. Roi fou, il ne vit que pour ses
instincts. On a parfois besoin de se perdre en lui, il crie sans prononcer un
mot. Il fait perdre le contrôle, brûle notre tête. Il nous fait ressentir toute
l’intensité des sens. Il se plaît à nous murmurer oui, quand la tête dit non.
Maître du plaisir, il demande, exige et obtient. Il nous plonge dans l’euphorie
si on sait l’écouter, le décrypter.
Le cœur, enfant
terrible, nous fait braver les tempêtes, plier les genoux. IL nous emporte dans
sa candeur, ne pense pas aux conséquences. Il court, nous affole, exige
tout mais ne demande rien à personne. Il s’emporte et fait voler en éclats les
portes. Il s’emballe, éclate et se déchire. On recolle ses morceaux pour mieux
les mettre en pièces, mais tel un phœnix, il finit toujours par renaître de ses
cendres. On tente de le protéger, mais il finit toujours par nous esquiver. On
tente de le museler, mais il arrive à crier. Il est la peur, mais aussi le
courage dans un aveu, l’indignation dans un affront, la colère dans une
injustice. Il bat de joie et de tristesse. Il inspire en nous toutes ces
contradictions, ces sensations. Il dicte nos maladresses, notre tendresse. Il
est fort malgré toute sa délicatesse.